L’œuvre conçue pour le Théâtre Espace La Veillée (aujourd’hui Théâtre Prospéro) à Montréal, s’inspire du génie des lieux et de son architecture. Située au foyer principal et à l’étage, elle prend la forme d’une installation lumineuse intégrant divers dispositifs d’éclairage se référant à une histoire de la lumière : deux lustres, un projecteur de théâtre, une herse d’éclairage, une caméra en circuit fermé et un moniteur en sont les principaux éléments. Chaque installation est ancrée au plafond à des niveaux distincts du bâtiment.
L’installation du foyer principal emprunte sa structure au dispositif d’éclairage habituellement utilisé au théâtre, soit la herse d’éclairage. Stratégiquement disposés sur des tiges, trois objets, tels « trois acteurs stellaires » se donnent la réplique, brillent de leur feu respectifs. D’abord, à l’extrémité de la rampe s’attache un lustre dont l’horizontalité de la posture dynamise sa lecture. Une douzaine d’ampoules halogènes sont serties sur les flancs de sa structure et laissent flotter derrière elles une chevelure insolite de fils électriques. Puis, confrontés à l’excentricité de l’objet et lui faisant face. Un projecteur « Fresnel » jumelé à une caméra en circuit fermé camouflée dans un écrin métallique amplifie la théâtralité de cet illustre sujet¹.
Au foyer du deuxième, nous assistons au déplacement de l’objet (lustre) dont la verticalité nous remémore sa majesté. Toutefois, dans un désir d’éprouver sa modernité, se greffe sur la structure trapézoïdale qui le maintient en porte-à-faux, un objet de grande virtualité et paradoxalement de très petite dimension : un moniteur LCD. Sa lumière singulière mais discrète diffuse, pour qui veut bien y porter attention, des portraits en forme de lustre comme autant de miniatures du visiteur aperçu en filigrane du lustre par une caméra en coulisse².
(1) Le lustre n’est-il pas la diva du mobilier des plus célèbres théâtres et n’appartient-il pas à leur histoire architecturale ?
(2) Un dispositif interactif fixé au mobilier du foyer, permet au visiteur de manipuler discrètement l’image opérant ainsi une mise en abîme de l’espace ou un gros plan des personnes empruntant l’escalier.
Suzan Vachon, 1995