chant
dans les muscules du chant
Thelonius Monk
qui rêve d’emplir l’univers
d’un flux sonore
d’une langue pariétale
Tsvétaïeva
dont les cheveux brûlent
lorsqu’elle lit ses premières pièces
aux jeunes acteurs
du théâtre d’Art de MoscouZéno Bianu (1)
chant [dans les muscules du chant], est une œuvre vidéographique conçue principalement d’archives filmiques de la première moitié du XXe siècle. Issues d’une recherche attentive et sélective littéralement embrasée par le moteur conceptuel de « film flamme », ces images on été pré-senties à leur visionnement comme puissant combustible d’un imaginaire contemporain (2).
Matière ardente, l’archive convie ici l’autrefois dans le maintenant, polarise la mémoire et l’oubli, le documenté et le fantasmé, le collectif et le privé. Aussi, chant [dans les muscules du chant], est un laboratoire de l’archive qui cherche à faire vivre ensemble des constellations d’images (et de sons) hétérogènes, embrasser des figures qui ne se connaissent pas, supposer des cristallisations d’analogies même défaillantes (3), traversées par un fort désir d’expériences formelles et d’inventions langagières capables d’en restaurer le sens et de redonner au passé une mémoire dynamique.
Déployée en plusieurs séquences : chambres à échos à la fois autonomes et attractives, cette œuvre vidéographique interpelle l’oublié, l’enseveli, le ruiné, le semblable dans le différent. Par divers procédés syntaxiques et rythmiques assimilables à ceux de la poésie, je tente de réactiver des visibilités enfouies, des transferts induisant des bouleversements à la fois spatio-temporels et esthétiques producteurs d’affect. Apparitions subites, spectres lumineux, images fortuites et/ou évanouissantes, je convie les fantômes des histoires et chorégraphie des danses-thaumatropes.
Je pose un regard proximatif et (follement) amoureux, parcourant parfois au seuil de l’invisibilité cette matière évanouissante. Insistance du regard affleurant ce noir velours du nitrate qui entraîne dans ses (sa) chute(s) toute mythologie de l’image.
J’allume des incendies où chaque image est en exil, où chaque séquence est une brûlure de désir tisonnée par les extraits en russe du Poème de l’air de Marina Tsvétaeva, écrit en exil à Meudon, en 1927 (4).
Suzan Vachon, 2010
Cette œuvre a été réalisée grâce à l’invitation de Saw Video et des initiateurs du projet Domaine Public, avec la collaboration de Bibliothèque et Archives Canada et l’appui financier du Conseil des Arts du Canada et de l’Ontario.
L’artiste remercie vivement le Service du Personnel Enseignant de l’UQAM qui lui a octroyé une bourse pour cette recherche dont le titre générique est : L’archive combustible une matière ardente.
Invalid Displayed Gallery
Comme expérience sonore
Expérience du corps
Le grain d’une voix
La danse d’une main
Laboratoire de lecture du Poème de l’air, de Marina Tsvétaieva, © Suzan Vachon,2010
Lectrice, Nadezda Vislykh.
Emprunter la voix de l’autre
La convier dans l’intimité du travail
Et de l’imaginaire de sa langue
Entendre, écouter, superposer les résonances
Rythmes, graphies, tempi
Comment toucher un mot ? Et se laisser toucher par un mot ? Un mot visible, audible, lisible ?
J. Derrida
Séquence d’enregistrement pour Chant [dans les muscules du chant] , © Suzan Vachon,2010.
Lectrice, Nadezda Vislykh.